Risque chimique : des écarts sur le terrain à la prévention concrète

Les produits chimiques sont présents dans votre entreprise.
Vous disposez des Fiches de Données de Sécurité, d’un DUERP à jour, et de consignes affichées. Pourtant, sur le terrain, des écarts persistent :
- des produits dangereux sont mal rangés,
- les pictogrammes ne sont pas toujours compris,
- les gestes de prévention ne sont pas systématiques.
Ce constat est fréquent, même dans des structures bien organisées. Il révèle une difficulté persistante à identifier les risques professionnels liés aux produits chimiques, à prévenir les expositions, et à ancrer les bons réflexes au quotidien.
Pourtant, la prévention du risque chimique est une obligation réglementaire et un enjeu majeur pour la santé au travail et la protection collective des équipes.
Dans cet article, vous trouverez des bonnes pratiques concrètes, applicables et alignées avec la réalité du terrain, pour renforcer durablement votre démarche de prévention des risques professionnels.
Comprendre les niveaux de risque pour mieux agir
En matière de risques professionnels, tous les agents chimiques n’ont pas le même niveau de danger. Leur nature, la fréquence d’exposition, la quantité utilisée et les conditions propres au lieu de travail influencent directement les risques liés à leur manipulation.
Classer les situations en fonction du niveau d’exposition permet de prioriser les actions de prévention, d’ajuster les mesures de protection et de diffuser des messages sécurité plus pertinents.
Voici une grille de lecture simple, directement applicable sur le terrain.
Niveau 1 : Risque faible - Exposition ponctuelle à des produits peu nocifs
Ce niveau concerne les situations dans lesquelles les salariés sont exposés occasionnellement à des produits classés comme irritants ou peu toxiques, manipulés en petite quantité, dans des conditions contrôlées sur les postes de travail.
QUELQUES EXEMPLES CONCRETS
- Graissage ponctuel d’un axe ou d’un roulement à l’aide d’un aérosol lubrifiant contenant des hydrocarbures légers, sans captation à la source.
- Nettoyage manuel d’un capot de machine avec un nettoyant industriel légèrement irritant (pH > 11), utilisé sans gants.
- Manipulation hebdomadaire d’un produit décapant contenant de la soude caustique pour déboucher un évier de salle de pause, sans protection des mains ni des yeux.
DES BONNES PRATIQUES À ADOPTER
- Standardiser le rangement des produits avec un code couleur simple (par type de produit ou niveau de danger) dans les armoires de sécurité.
- Créer des fiches produit simplifiées, à partir des FDS, en version A5 plastifiée, fixées sur l’armoire ou à proximité du point d’usage.
- Mettre en place un check visuel hebdomadaire (via une fiche de contrôle sécurité ou lors d’une tournée terrain) pour vérifier le stockage, l’étiquetage et la disponibilité des EPI de base.
- Utiliser des QR codes sur les produits qui renvoient à une mini-fiche synthétique ou une vidéo interne de manipulation.
- Scénariser les conduites à tenir en cas de contact ou de déversement via des miniprocédures affichées (format « réflexe »).
Même si ces situations semblent peu dangereuses, elles doivent impérativement être évaluées, tracées dans le DUERP, et donner lieu à des actions concrètes sur le terrain.
Un produit mal rangé ou un oubli d’EPI peut suffire à provoquer une irritation, une brûlure légère ou une réaction allergique. Ces incidents, bien que bénins en apparence, peuvent se répéter ou s’aggraver, surtout en cas d’exposition régulière.
Risque élevé - Exposition régulière à des substances dangereuses
Ce niveau concerne les situations avec lesquelles les opérateurs sont fréquemment exposés à des produits chimiques classés dangereux, notamment :
- CMR (Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques),
- corrosifs, toxiques, irritants ou sensibilisants par inhalation, contact ou ingestion,
- ou réactifs/incompatibles nécessitant des conditions de stockage strictes.
QUELQUES EXEMPLES CONCRETS
- Nettoyage quotidien de pièces métalliques à l’aide de solvants chlorés (type perchloréthylène) en bac ouvert, sans dispositif d’aspiration localisée.
- Application manuelle de résines époxydes bicomposants en atelier, avec risque de sensibilisation cutanée et exposition aux vapeurs.
- Maintenance régulière en salle de dosage utilisant des acides (type acide nitrique >10 %) ou des bases fortes, avec manipulation manuelle de bidons.
DES BONNES PRATIQUES À ADOPTER
- Mettre en place une captation à la source efficace, testée périodiquement (ex. : bras articulé, hotte ventilée, flux laminaire) avec suivi des débits et traçabilité des contrôles.
- Limiter le volume de produits dangereux présents au poste en instaurant une dotation journalière sécurisée (pas de bidons en libre accès).
- Formaliser une procédure de port des EPI renforcés, adaptée à chaque produit : gants multirisques validés selon les normes EN ISO 374, masques à cartouches spécifiques (type ABEK-P3), lunettes étanches ou visière.
- Assurer une traçabilité individuelle des expositions, via badgeage de zone, carnet d’exposition CMR ou fiche de suivi dans le dossier médical.
- Former systématiquement les opérateurs exposés, avec un module dédié aux risques chimiques (FDS, incompatibilités, conduites à tenir) et validation des acquis par un cas pratique ou une mise en situation.
Ce type de situation doit faire l’objet d’une évaluation approfondie via des outils adaptés (comme SEIRICH), d’une analyse de poste, et être intégré dans les plans de prévention, notamment pour les intervenants extérieurs.
Pourquoi cette classification est un outil terrain ?
La classification des risques chimiques par niveau d’exposition n’est pas qu’un exercice théorique : c’est une base de travail opérationnelle pour structurer vos actions de prévention. Elle permet d’adapter les messages sécurité selon les secteurs d’activité et de faire en sorte que chacun contribue à prévenir les risques chimiques au quotidien.
La FDS : un support central dans la prévention des risques chimiques
La Fiche de Données de Sécurité (FDS) est un document clé pour toute substance chimique. Elle permet de caractériser les dangers, de définir les mesures de prévention adaptées et de préparer les conduites à tenir en cas d’incident.
C’est une exigence réglementaire, mais surtout une base technique incontournable pour analyser les risques chimiques de manière rigoureuse.
Mais encore faut-il savoir s’en servir au quotidien. La FDS ne doit pas rester un document isolé dans une armoire : elle doit être intégrée aux formations, aux analyses de risques et aux plans d’intervention. Chaque salarié exposé à un produit chimique doit pouvoir y accéder facilement, comprendre les éléments essentiels (pictogrammes, phrases H et P, EPI recommandés…) et connaître la conduite à tenir en cas d’urgence. Il est également essentiel de mettre en place une veille pour s’assurer que vos FDS sont à jour, les fabricants les révisant régulièrement selon l’évolution des connaissances ou de la réglementation.
Pour vous aider à exploiter efficacement ces informations, nous mettons à votre disposition un modèle de FDS structuré, prêt à intégrer dans vos démarches.
Les risques chimiques, que dit la réglementation ?
La prévention du risque chimique est encadrée par le Code du travail. Il impose notamment l’évaluation des risques, la tenue des FDS à jour, la formation des salariés exposés et la mise en place de mesures de prévention adaptées. Des obligations spécifiques s’appliquent pour les substances CMR, les situations de dépassement des VLEP ou les sites classés Seveso.
Pour approfondir, vous pouvez consulter :
- Le Code du travail : articles R.4412-1 à R.4412-93
- Le portail officiel Seveso : un outil pour vous aider à déterminer le statut Seveso de votre établissement
- Le guide INRS ED984 : Valeurs limites d’exposition professionnelles (VLEP)
La prévention du risque chimique ne se limite pas à l’affichage des consignes ou à la conformité documentaire. C’est une démarche continue, structurée et ancrée dans le quotidien des équipes.
En classant les expositions, en outillant les opérateurs et en exploitant les données disponibles (FDS, DUERP, suivi des expositions), vous donnez à votre entreprise les moyens de réduire durablement les écarts et les accidents.
Vous avez un projet autour de la prévention du risque chimique ou de la digitalisation de vos pratiques QHSE ?
Contactez-nous pour en discuter : nous vous aidons à structurer et déployer une démarche personnalisée, ancrée dans votre réalité terrain.